Les balades de la Druidie

- Année 2004 - Les Dolomites

 

Dolomites 2004 ou ...

des Tours dans les nuages ...

Salut l'Ami(e) !
Comme je venais de me replonger dans les cartes de Suisse et d'Italie, pour y vérifier ma géographie, me sont aussitôt revenus, bien nets, paysages et moments de notre grande vadrouille.
Tu sais à quel point en bon Singe de Bois, Dame Jo, aime découvrir ce qu'elle ne connaît pas. Lors de la 1ère étape du jeu des mille bornes, Le Philo m' a fait découvrir le Massif des Bauges sous un grand soleil. Puis, juste avant d'atteindre Genève, le Mont Salève d'où l'on contemple le Léman en parlant toutes les langues tandis que les serveuses du bar courent après les parasols.

Reçus comme des rois chez Bisounoursette et Yaya, nous fîmes fort, le samedi soir, et retrouvâmes, chez Patouille ( jamais revue depuis la NC2K, en Bretagne ), dans un grand jardin genevois miraculeusement échappé aux constructions, Ghislain, Tintin ( arrivé involontairement en voiture ... L'aurait mieux fait de prendre le Kipu, habitué à l'Helvétie ) et des amis motards suisses.

La journée charnière du dimanche 8 Août, avant le départ groupé pour l'Italie, nous vit déjeuner sur le plateau des Glières, en compagnie d'Isa et Dauchinen, dont les parents habitent la région. Belle occasion d'admirer la montagne, les épilobes mais aussi d'instruire le plus jeune de la bande sur les évènements historiques survenus là dans les années 40. Nom de Dieu ! Faut qu'ça s'sache, l'histoire du lieutenant Tom et de ses camarades.

Le Poussah, de retour du Canada le matin même, nous fit le plaisir de nous rejoindre, de nous raconter ses rencontres avec l'orignal bigleux et un patron de cabane à sucre qui lui proposait une association ... juteuse.
Après quoi, nous laissant morts de rire, il nous maudit cordialement puisqu'il ne pouvait dolomiter. ( A propos de cervidé, voilà qui t'explique pourquoi j'ai demandé au Philo, qu'un élan de peluche, fétiche d'un motard inconnu, soit photographié, à l'Ofen Pass : un cliché dédié, bien sûr, à notre ami Haroun. )

Après avoir embrassé nos Lyonnais, à l'orée d'une piste en terre précédant la route tortueuse fortement pentue du Petit Bornand des Glières, nous partîmes vers les cahots et les tournants. Tout en me cramponnant à la selle du Paquebot, j'admirai de splendides gorges boisées.

En soi, notre première étape méritait bien que je te la conte. Tant elle était riche, à elle seule, en paysages et en retrouvailles. Le soir-même, chez nos hôtes, Ghislain nous amenait Jean-Noël, récupéré à Genève en fin d'après-midi. Manu et Fast Philou, bien arrivés à Ferney-Voltaire, s'apprêtaient à dîner et aller " faire un gros dodo ".

Lundi matin, après de bonnes bises à Bisounoursette qui, boulot oblige, ne pouvait nous accompagner, Yaya, Le Philo et moi nous rendîmes au rendez-vous où tout le monde était à l'heure. Le temps d'admirer la nouvelle moto de Fast et nous voilà partis pour 400 km d'autoroute avant d'aborder les Grisons, puis de nous rapprocher pour de bon de l'Italie, où Ghislain le tentateur nous avait promis le Stelvio si ...

On ne risque pas de l'oublier, ce Passo ! Impressionnant dans sa pierraille grise où s'accrochent encore des névés, il vous a des allures himalayennes. D'ailleurs un restaurant construit audacieusement sur un éperon rocheux ne s'appelle-t-il pas " Tibet ". Tu ne serais pas surpris(e) de voir débarquer un troupeau de yacks tandis que claquent au vent les drapeaux de prières.
Des familles italiennes tournaient autour de nos bécanes et se parlaient en douce de la " nonna ( la grand-mère ) qui fait de la moto. " Ça fait plaisir tout de même. J'espère bien que les mémés italiennes ne se contentent pas de tricoter et de préparer les pastas ! Foi de Dame Jo !
Fast s'élança dans la descente aux lacets impressionnants, suivi du Paquebot. Nous avions ouvert nos visières, Le Philo et moi, pour compter les épingles et criions " et un, et deux ! " Ainsi jusqu'à la 48ème sans crainte de nous tromper : elles sont numérotées.

Parvenus dans le Haut-Adige, au milieu des vignes et des arbres fruitiers, en approchant de Bolzano, nous vîmes enfin, ces étranges tours rocheuses que nous étions venus chercher. Une petite route de montagne nous offrit soudain une première vision de rêve : les Dolomites rougies par le soleil couchant, puis une deuxième : le petit lac forestier de Carezza, aux précieuses nuances bleues et vertes. Je repensai aux lacs autrichiens, découverts quelques années plus tôt.

A l'hôtel Latemar, confortable château pour motards, on dîne tôt. Malgré notre arrivée tardive, grâce à Viviane, nous eûmes droit à un substantiel repas, le bienvenu après quelque 630 km. Bien sûr, ce furent de joyeuses retrouvailles et il y eut, comme d'hab, des rires et des quolibets. Il fut, lors des dîners, beaucoup question, pêle-mêle, de Jean-Louis Aubert, d'Eddie Barclay de FRM, de Coluche, de salsa, de conquêtes, mais aussi de fraises et de pommes ... ( Tout ça, c'est pour Ghislain et Tintin, lequel nous parut, selon le jour et le moment, tantôt bien éteint, tantôt, complètement allumé. A l'image du réverbère, dans " le Petit Prince " ).

Bonne nouvelle : l'ami Juan pouvait à nouveau rouler à moto. Une bande de chtis jeunes ( Zazzz dixit ) attendait Master Fast avec impatience. Les amis de Sophie rêvaient d'en découdre, sur les routes de montagne où la jeune demoiselle, elle-même, nous l'avons constaté pour l'avoir suivie Le Philo et moi, roule fort bien, offensive et prudente à la fois. On sent qu'elle a été à bonne école.

Les âges différents, la présence de ces deux libres gamins plein d'humour que sont Arthur et Louis, les " ptits blonds " de Zazzz et d'Alain, donnèrent au groupe une sacrée énergie : ça pétait le feu.
Nous n'avions que l'embarras du choix, pour les balades, les nombreux roadbooks nous étant généreusement offerts par l'hôtel. En revanche, il fallait partir tôt.

A 8h30, le mardi matin, deux troupes descendaient dans la vallée : Fast et ses tanches - puis nous zôtres - c'est alors qu'Ô horreur et putréfaction ! nous dûmes nous insérer, tant bien que mal, dans une file ininterrompue de caisseux. Rien à faire : toute traversée de village est un fameux pensum, en Août, dans le Haut Adige. Et chacun d'écumer, de tenter une remontée problématique.

Jamais vu un pareil bordel . Si ! sur l'autoroute, en direction du Brenner, en Août 2000 ... où tout était bloqué.
J'enrageais d'autant plus que les villages italiens de ce Sud Tyrol caricaturent l'Autriche dans ce qu'elle a de plus mièvre. Dieu sait si j'aime les chalets fleuris mais toute cette kitcherie à gogos m'écoeurait.

Vivement la montagne ! Elle nous offrit de sompteux paysages, des architectures aux nuances changeantes de rose et de gris. A plus de 2000 mètres d'altitude. Passo Sella, passo ... passo ... passo ... passo ...
Après une nouvelle pause, où nous pûmes à nouveau constater que nous n'étions pas seuls, nous nous apprêtâmes à redescendre. C'est alors qu'au milieu d'une épingle ( comme les autres ? ) le pneu arrière du Paquebot se mit à glissouiller à la tyrolienne : iodla-iti iodla-itou; en un éclair, je me dis que nous allions au tas, et sentis un choc violent à la malléole droite, pourtant bien protégée par une basket-moto coquée ... Je crus avoir heurté un rocher - Non ! c'était le bitume. Philo avait déjà redressé la moto, l'empêchant de se coucher complètement. Elle n'avait rien, lui non plus. Elodie m'aida, chamboulée que j'étais, à trouver mon cale-pied droit et nous voilà repartis.

Au Passo Duran, lors de la pause-déjeuner, où le hasard ( qui n'existe pas ) nous fit rencontrer une chevelure rouge bien connue, un Tricé et un Lézard Vert, je constatai " je peux " marcher mais Aïe, aïe, aïe ! Ouille ! mon pied à droite, est un cactus !

Et MERDE ! En pareil cas Le Philo ne sait plus où se mettre et je n'aime pas ça. Aller voir un toubib ? Non, on dirait un énorme gnon. Ça va gonfler puis bleuir. En avant les huiles essentielles: c'est le moment des TP, Jo.

Nous avons dû écourter la dernière boucle de la balade du jour ce qui ne m'a pas empêchée d'admirer la Selva di Cadore et de constater qu'Agordo était la première ville vraiment italienne dans ce secteur. De retour au Castel-Motards, j'ai vu des glaçons de près ( et ainsi chaque soir ), pour limiter l'oedème. Manu m'examina avec circonspection et constata qu'il n'y avait pas d'entorse. Elle craignait tout de même une petite fêlure ( ou fracture ) à la malléole. ( La suite prouva qu'elle avait raison ).
Après quoi, notre copine guidant mes pas pour m'éviter d'avoir trop mal à la descente des escaliers, je m'en fus dîner avec tout le monde. Les " chtis Jeunes " en avaient bavé, derrière leur professeur. D'une façon générale, tout le monde était K.O.

Le lendemain fut une journée pépère: nous avions tous rendez-vous pour un pique-nique près du petit lac de Predazzo avant de rentrer tôt pour que les amateurs d'équitation ( éclairés ou débutants ) puissent aller se balader.
( J'ai oublié de te dire que de beaux chevaux blonds gambadaient dans les alpages environnants.

Partie en voiture avec Alain, un chouette compagnon de promenade, ( ça ne m'étonne pas que ses gamins l'adorent, comme ils adorent leur maman Zazzz ) nous avons découvert, après les éternels embouteillages en vallée, la route
calme du val et du Passo San Pellegrino, le Passo Valles, les grandes forêts de résineux, aux talus fleuris de centaurées mauves, le Passo Rolle où nous attendait la sublime, l'éphémère vision d'une tour rose collerettée de moelleux nuages blancs. Pour Alain comme pour moi, soudain, le monde ne fut plus que cela : de la joie pure.

( Lorsque nous repasserons prendre un café, avec le groupe, un peu plus tard, au PAsso di Rolle, la barre rocheuse dégagée sera belle mais aura perdu pour nous un peu de son charme ) .

Mais retournons au bord du lac où il fait beau et même chaud.

Dans les prés, les familles italiennes et les autres ont installé couvertures, tables, chaises-longues, barbecues.
Louis et Arthur sont descendus jouer près du torrent. Tintin s'écroule dans l'herbe, tel un grand chat aux pattes blanches et se met à roupiller. Zazzz pose pour la postérité en pin-up de magazine. Nous saucissonnons. Tandis que Sophie ou sa soeur _ comme je tourne le dos je ne sais trop qui parle _ disserte sur la finesse des tranches de mortadelle, Elodie hurle à chaque fois qu'une araignée des champs l'approche; Mash essaie bien de la convaincre que ces p'tites bêtes n'ont rien des tarentules, encore moins des mygales de Fort Boyard ... Viviane se frotte l'oreille, Jo la cheville.
Juan mystérieux, tire de son sac, comme un prestidigitateur ... Un sac poubelle. Jean-Noël, au moment du départ, se fait des frayeurs : il a perdu sa clé de moto, qu'il retrouve fort opportunément dans son casque au moment
où, en désespoir de cause, il s'apprêtait à téléphoner à son assistance !

Café _ Tintin, réveillé, se dit que sa combarde doit servir à quelque chose et s'en va essayer la Ducat' de Zazzz, au Passo di Rolle. " Ça fait drôle ! " mais ça lui plaît. ( Il récidivera ).
Alain et moi reprenons en sens inverse le bel itinéraire, guettant pour rigoler une prétendue petite blanche ( en fait une piste de ski ! ) sur laquelle nous avons bien failli nous engager le matin ... Se méfier des cartes et pancartes ... Au loin la Marmolada ( un plus de 3000 m ) est tout ensoleillée.p

De la grande vadrouille du Jeudi 12 Aoüt, je te dirai seulement qu'elle vit passer les groupes à Merano, ville à visiter, que les copains voulaient faire un tour en Autriche et qu'ils revinrent contents, le soir. L'un des p'tits jeunes donna rendez-vous solennellement à Fast, dans dix ans, devant témoins, pour le pourrir !
Comme tu t'en doutes, pour Dame Jo, ce fut une journée de repos, amusante lors du repas, ( il pranzo da mezzogiorno ) lorsque des motards italiens entreprirent gentiment Monica, l'une de nos jeunes serveuses blondes.
Alain et les enfants étaient partis en vadrouille pédestre, le matin, emmenant Le Philo chasseur d'images. Ce coquin d'Arthur, ayant appris qu'on trouvait encore des ours dans les forêts profondes du Sud Tyrol, réussit à faire naître chez son frangin une belle pétoche.p

L'après-midi, Le Philo s'en fut " chercher des allumettes " à Val Gardena
( sous prétexte d'aller faire le plein à Nova evante ... ) Tant mieux ! Lui aussi avait vadrouillé.p

Et ce fut le départ, le lendemain, après les remerciements à Viviane, qui nous avait trouvé cet endroit très sympa où nous comptons bien retourner un jour, Le Philo et moi, en Juin ou Septembre.
Efficacement guidé par Yaya, le petit groupe ( Manu, Fast, Mash, Jean, Le Philo et Dame Jo ) admira la très médièvale Glorenza, proche de la frontière suisse, avant de grimper l'Ofen Pass puis l'Albula ( magnifiques paysages minéraux sous un grand ciel bleu - Gasthaus accueillant avec son mobilier de bois, où l'on n'arnaque pas les voyageurs. )
Le grand air, la beauté de la nature me faisait oublier mon bobo. La montagne sous le soleil c'est jubilatoire !p

L'Oberalp, la Furka ... L'eau furieuse du Rhône ... La ligne droite du Valais me parut moins monotone que d'habitude. Des orages avaient éclaté sur le Léman où des rais de soleil, perçant les nuages, dessinaient des ovnis scintillants. Nous prîmes une bonne ondée, vite séchée, eûmes droit à l'arc-en-ciel avant de retrouver Genève et Bisounoursette, à qui nous avions tant à raconter.p

Après un Samedi de rêve, où, en tirant la patte, j'accompagnai nos amis et Le Philo dans le vieux Genève, au Jardin botanique, pris des bus, béai d'admiration devant le cosmopolisme de la ville, je renfilai, le Dimanche matin, ma tenue de cosmonaute pour l'étape de retour au bercail.

Sous un ciel uniformément bleu, Annecy nous fit de l'oeil. Plus tard, dans la journée, outre le Glandon et l'Ornon, Le Philo m'offrit le Col du Noyer, en Dévoluy où les sommets nus me parurent doux à l'inverse de la petite
route tape-cul qui redescend sur le Champsaur !p

Et maintenant ... j'ai du mal à imaginer que tout cela n'a duré que 8 jours. Tu sais sûrement, comme moi, combien la plénitude est faite d'instants qui durent ...durent ...

Ciao l'Ami(e) !
Tant mieux si je t'ai fait rêver. Tu peux, à ton tour me maudire ... cordialement.

Avé le sourire et les bises de Dame Jo
(Alias Lady Blue Foot ) la chamboulée d'la moto.

PS : Quand on doit rester au repos, la collection 10/18 offre de somptueux ( et savants ) polars. Je recommande tout particulièrement aux lectrices (eurs) ceux de Boris Akounine.